Les soupes thaïlandaises, une institution culinaire du Royaume
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- il y a 6 jours
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Les soupes, un ensemble vaste et divers
Lorsque l’on évoque les soupes thaïlandaises, les tom yam kung et tom kha kai viennent immédiatement à l’esprit. Ces recettes emblématiques ne représentent pourtant qu’une introduction à un ensemble beaucoup plus vaste. Les soupes occupent une place essentielle dans la cuisine thaïlandaise où elles sont consommées du petit déjeuner au dîner.
Cette diversité reste cependant largement méconnue des visiteurs. De nombreuses échoppes spécialisées n’affichent pas de menu ou bien celui-ci est uniquement rédigé en thaï. Elles peuvent également ouvrir à des horaires qui ne correspondent pas toujours aux habitudes occidentales, ce qui contribue à rendre ces soupes moins accessibles.
Cet article propose de découvrir un domaine culinaire structuré et d’une richesse remarquable. Il présente les grandes familles de soupes, développe un focus sur la Tom Yam puis propose un panorama régional avant de revenir sur les principaux aspects techniques à maîtriser.
Les grandes familles de soupes thaïlandaises
Les soupes de riz
Les soupes de riz sont un repas complet qui se consomme généralement au petit déjeuner. Elles sont aussi servies aux personnes fatiguées ou malades, car elles apportent chaleur et énergie. Deux catégories coexistent : la khao tom et le congee, appelé jok.
La soupe de riz, khao tom, utilise un riz long grain cuit à point et peut être préparée avec de la viande ou bien du poisson. Le congee, jok, est un porridge où le riz, généralement un mélange de riz long grain et de riz gluant, est surcuit jusqu’à se casser. Ces deux préparations ont donc une consistance différente. La khao tom est assez versatile et peut être préparée avec de la viande, comme par exemple des travers de porc, ou du poisson. Le porridge, jok, est plus traditionnellement préparé avec des boulettes de porc ainsi que des abats. On l'accompagne d'un oeuf mollet et de beignets issus de la tradition chinoise, que l'on appelle en Thaïlande patongko.
Cette tradition des soupes à base de riz est ancienne et répandue largement en Chine et dans l'Asie du Sud-Est (et d'une manière générale dans toute l'Asie rizicole). Nourrissantes, économiques et faciles à consommer, les soupes de riz ont longtemps constitué un petit déjeuner de base, en particulier dans les milieux populaires et ruraux, et restent aujourd’hui très présentes même si les habitudes du matin se sont considérablement diversifiées.
Les soupes aux nouilles de blé, tradition Ba Mi
Les soupes aux nouilles de blé, appelées ba mi, appartiennent pleinement à l’héritage sino thaï. Elles sont préparées avec des nouilles aux œufs, fraîches ou sèches. Ces soupes forment un plat complet, avec une composition assez classique :
légumes verts tels que bok choy ou broccoli chinois (kale) ;
une viande, généralement du porc, marinée et finement tranchée, ajoutée au moment du service. Il est courant d'incorporer le fameux porc rouge, mu deng, à ce type de soupe ;
des wontons, souvent à base de crevettes, qui peuvent ou non être combinés avec la viande ;
une garniture d'herbes fraîches, de germes de haricot mungo et d'ail frit ;
Généralement elles sont proposées sous forme de soupes mais cette famille de plats existe également en version sèche.
Les soupes aux nouilles de riz, tradition Kuai Tiao
Les soupes aux nouilles de riz représentent une grande famille, très présente dans tout le Royaume et particulièrement populaire à Bangkok. Elles utilisent des vermicelles de riz, des nouilles fines, des nouilles larges ou encore des nouilles triangulaires ou carrées. Ces soupes peuvent être préparées avec un bouillon clair ou une base plus élaborée, parfois associée à des pâtes fermentées ou des assaisonnements spécifiques. Elles constituent le socle des soupes de rue les plus populaires.
Ces soupes sont tellement diversifiées qu'il est difficile d'en réaliser une typologie. Citons donc quelques soupes parmi les plus emblématiques et leurs caractéristiques principales. Ces soupes formes à elles seules des sous-familles car il existe maintes variations autour de ces recettes.
Les boat noodle, à la couleur sombre et opaque, sont réalisées à base de sang, généralement du sang de porc mais il existe également des versions au sang de boeuf. Comme nos soupes aux nouilles de blé, elles s'accompagnent de légumes verts, de viande, sous forme de boulettes et d'entrailles et sont garnies d'herbes fraîches et d'ail frit.
Les rad na, réalisées à partir de nouilles de riz fraîches larges, existent en version soupe et dans une version de plat sauté où la sauce est plus réduite. La particularité de cette soupe est est de se composer d'une sauce épaissie au tapioca. Les versions classiques comprennent du brocoli chinois, des champignons shiitake et du porc mais les rad na sont également très populaires avec des poissons et fruits de mer.
Les soupes de type kway jap sont également très originales avec leurs nouilles sèches triangulaires ou carrées qui se transforment en tubes à la cuisson. Comme les précédentes il s'agit d'un héritage des traditions chinoises. Il existe des variations mais le plus souvent on retrouve dans cette soupe : du porc, souvent de la poitrine et des abats, des œufs durs, des légumes verts et des assaisonnements tels que sauce soja noire, cannelle et anis étoilé.
Enfin, les soupes yen ta fo, font partie des plus appréciées. Leur particularité est la couleur rose ou rouge plus ou moins marquée, donnée par l'usage du tofu fermenté et renforcée par des piments broyés. Elle comprend toujours des poissons et/ou fruits de mer, parfois sous forme fraîche, parfois sous forme de boulettes ou une combinaison des deux. Ceux-ci sont associés à des légumes verts, souvent des liserons d'eau, et du tofu frit. La garniture se compose d'herbes fraîches, ail frit et feuilles de wontons frites. Divers types de nouilles, fraîches ou sèches, peuvent être utilisées.
Si vous êtes intéressé par les différents types de nouilles et leur usage dans la cuisine thaïlandaise, consulté notre article consacré aux Pad Thaï, nouilles et riz.
Les soupes à la crème ou lait de coco
Les soupes à la crème de coco forment une famille populaire.
Un certain nombre d'entre elles appartiennent à la sous-famille des tom kha. En thaï, tom désigne la soupe tandis que que kha est le galangal. Le galanga en est donc l’ingrédient structurant et doit parfumer de manière nette l’ensemble. La citronnelle et la feuille de kaffir font également partie du bouquet garni. Des piments frais sont ajoutés en fin de cuisson mais cette soupe n'est pas à dominante piquante, elle est au contraire douce et riche grace à l'apport de lait ou crème de coco, avec une petite note aigre venant du jus de tamarin. La version la plus connue de cette soupe est au poulet, tom kha kai, mais il existe des recettes familiales basées sur d'autres ingrédients tels que la fleur de bananier par exemple.
D'autres soupes, tom kati, à la crème ou lait de coco sont populaires. Elles ont souvent en commun d'être basées sur des fruits de mer, ou contenir des crevettes sèches, parfois combinée à de la pâte de crevettes. Ces recettes sont assez caractéristiques du Sud.
Les soupes claires de type tom jued
Les tom jued regroupent des soupes de légumes, de viandes ou de champignons. Elles présentent des caractéristiques constantes qui les distinguent des autres familles : une base de bouillon clair, l’absence de piment, une dominante salée reposant sur le sel ou la sauce soja plutôt que sur la sauce poisson, et un usage modéré des herbes aromatiques. Le céleri feuille est typiquement associé à ces soupes. Les champignons sont courants, en particulier les shiitake dont le parfum est très apprécié, de préférence frais plutôt que secs.
Les tom jued sont faciles d’accès et conviennent à toute la famille. Parmi les exemples traditionnels, on retrouve notamment la soupe aux concombres farcis.
Les soupes aigres et piquantes
C’est à cette grande famille qu’appartient la fameuse tom yam kung, mais en pratique toutes les soupes aigre-piquantes ne sont pas des tom yam. On distingue notamment les tom som, littéralement « soupes aigres », contenant souvent du poisson et du tamarin, parfois du curcuma. Ces variantes au curcuma sont particulièrement caractéristiques du Sud de la Thaïlande.
Les tom sep sont également des soupes aigres et fort piquantes. Elles partagent avec les tom yam certains éléments aromatiques tels que la citronnelle et les feuilles de kaffir, mais s’en distinguent par l’ajout de riz gluant grillé en poudre, ingrédient typique de la cuisine de l’Isan. Elles sont le plus souvent réalisées à base de bœuf, avec des morceaux comprenant cartilages et abats, ce qui leur donne un goût profond. Il existe aussi des versions au porc, notamment à base de travers. L’idée centrale de cette soupe est d’intégrer des ingrédients au goût puissant qui se prêtent à un assaisonnement très relevé.
Focus sur la Tom Yam : une institution culinaire du Royaume
La tom yam kung est la soupe thaïlandaise la plus célèbre. Elle appartient à la famille des soupes aigres-piquantes et à la sous-famille des tom yam. Ces soupes se distinguent par un bouquet garni caractéristique composé de citronnelle, galanga et feuilles de kaffir, parfois complété par de la racine de coriandre. Ces éléments sont pilés pour en extraire les saveurs mais conservés en gros morceaux afin d’être retirés aisément avant de servir, leur rôle étant d’aromatiser et non d’être consommés.
Cette grande famille repose sur l’équilibre fondamental entre aigre, doux, salé et piquant. L’acidité vient du jus de citron vert ou du jus de tamarin. Le doux provient du sucre, très présent dans la cuisine thaïlandaise. Le salé repose principalement sur la sauce poisson. Certaines variantes utilisent une pâte de piment appelée nam prik pao, à la fois salée, légèrement piquante et aigre-douce. Les différentes recettes jouent sur des ingrédients acidulés variés comme le citron en saumure, les feuilles de tamarin ou certains fruits acides comme le salak (fruit serpent).
La tom yam kung, version aux gambas, est la plus connue à l'étranger mais les tom yam sont souvent réalisées avec du poisson, un mélange de fruits de mer ou même du poulet. Des versions plus anciennes et moins connues sont préparées à base poisson séché. Outre les ingrédients principaux, le bouillon fait la différence. On distingue notamment le bouillon clair, tom yam nam saï, le bouillon agrémenté de lait ou de crème non-laitière, tom yam nam khon et le bouillon au lait de coco, tom yam kati.
Les soupes dans les régions de Thaïlande
Nord de la Thaïlande
Les soupes du Nord sont généralement claires, très parfumées par les herbes de montagne et peu sucrées. Elles se caractérisent par l’absence de crème de coco et privilégient les feuilles, légumes et aromatiques robustes. Les soupes familiales de poulet ou de légumes y sont nombreuses. Citons par exemple la soupe aux feuilles et fleurs de moutarde, tjo phak kat ou la soupe de poulet aux épices, yam chin kai.
Voulez-vous en savoir plus sur la gastronomie du Nord de la Thaïlande ? Découvrez notre article complet sur les cuisines du Nord pour mieux comprendre ses origines et son histoire.
Isan, Nord Est de la Thaïlande
La cuisine de l’Isan se distingue par ses saveurs franches, salées et très acidulées. Les soupes y sont souvent piquantes et comprennent fréquemment du tamarin. On y retrouve notamment les fameuses tom sep citées plus haut mais aussi un autre type de soupe très proche des tom yam, les tom klong, qui partagent le même bouquet aromatique mais sont réalisées à base de poisson séché.
Voulez vous en savoir plus sur la cuisine du Nord Est de la Thaïlande ? Découvrez notre article complet sur la cuisine de l’Isan et comprenez comment histoire, climat et échanges ont façonné ses plats emblématiques.
Plaine Centrale
La Plaine Centrale est le berceau de la tom yam et de la tom kha. Les soupes y présentent un équilibre très travaillé entre aigre, doux et salé. On y trouve également une grande diversité de soupes de nouilles, qu'il s'agisse de nouilles de blé ou de nouilles de riz, héritage de la culture sino-thaï. C'est sans aucun doute la région de Thaïlande où les soupes sont les mieux représentées dans les repas du quotidien et qui présente la plus belle diversité.
Voulez-vous en savoir plus sur la cuisine de la Plaine Centrale et le cuisine royale ? Découvrez notre article complet, Cuisine de la Plaine Centrale et cuisine royale thaïlandaise : terroir, influences et raffinement.
Sud de la Thaïlande
Les soupes du Sud sont nettement plus piquantes et incluent fréquemment des fruits de mer. Elles privilégient les saveurs acides fortes, notamment à travers le tamarin ou certains fruits aigres. La soupe de poulpe aux feuilles de tamarin, plameuk yak tom bai makham, est caractéristique. Mais les soupes au lait de coco telle que la tom kati pak liang, soupe au lait de coco et feuilles de melinjo, sont également très appréciées.
Voulez-vous en savoir plus sur la cuisine du Sud de la Thaïlande ? Découvrez notre article complet sur la cuisine du Sud qui se distingue par sa force aromatique et son ancrage maritime.
Astuces techniques pour réussir les soupes thaïlandaises
Comme vous l'avez vu, les soupes thaïlandaises sont très variées. Il serait difficile de donner des conseils universels mais voici quelques principes de base qui vous aideront à obtenir un résultat savoureux.
Un bon bouillon comme base
Le bouillon clair est fondamental. Il doit être cuit à température très douce afin de rester limpide. Une cuisson trop vive le rendrait trouble. Le sel n’est jamais ajouté pour préserver la polyvalence du bouillon. Le bouillon peut être préparé à base de carcasse de poulet, de porc, de têtes et arrêtes de poisson ou de têtes et carapaces de gambas selon le type de soupe envisagé. Vous trouverez des recettes de bouillon en accès libre sur notre blog.
Maîtrise des températures avec la crème de coco
La crème de coco ne doit jamais bouillir. À forte température, le gras se sépare et forme une pellicule huileuse en surface. Pour conserver une texture homogène, il convient d’ajouter la crème (ou le lait) en fin de cuisson, de mélanger rapidement et de retirer la casserole du feu avant reprise de l’ébullition .
L’ail frit, un élément indispensable
L’ail frit accompagne les soupes de riz et les soupes de nouilles. Il apporte une note aromatique essentielle. Les petites gousses d’ail thaï ne nécessitent pas d’être pelées. L’ail doit être frit jusqu’à légère coloration puis laissé à poursuivre sa cuisson dans l’huile chaude hors du feu. Une surcuisson rend l’ail amer. Il est servi avec son huile, à raison d’une à deux cuillères par personne .
Pour aller plus loin
Les soupes thaïlandaises occupent une place essentielle dans la gastronomie du Royaume et reflètent la diversité culinaire des régions. Vous pouvez retrouver trente recettes traditionnelles dans notre livre Les Soupes, ainsi que de nombreuses préparations supplémentaires dans chacun de nos livres de cuisine régionale. Notre blog propose également un large choix de recettes en accès libre. Enfin, vous pouvez apprendre à réaliser ces soupes lors de nos cours de cuisine à Koh Samui.
Pour toute question sur les recettes, les ingrédients, les techniques ou la culture culinaire thaïlandaise, n’hésitez pas à nous contacter ou à laisser un commentaire sous cet article, nous répondons toujours avec plaisir.



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