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Les cuisines du Nord de la Thaïlande : entre montagnes, thé et traditions

  • Photo du rédacteur: InFusion
    InFusion
  • il y a 19 heures
  • 9 min de lecture
Vue du village de Ban Rak Thai en Thaïlande du Nord avec plantations de thé en terrasses et maisons traditionnelles.
Village de Ban Rak Thaï, près de Mae Hong Son, connu pour ses plantations de thé et sa gastronomie d’inspiration chinoise et Shan.

Cet article s’inscrit dans notre série « Les cuisines de Thaïlande du Nord au Sud ». Après une présentation générale, nous entamons ici la première déclinaison régionale. Et c’est naturellement par le Nord que nous commençons.


Le Nord de la Thaïlande, avec ses montagnes majestueuses dont le Doi Inthanon, point culminant du pays, offre un visage très différent du reste du royaume. Le climat y est plus frais, les paysages plus accidentés, et ces particularités géographiques ont façonné des habitudes culinaires uniques.


Cette cuisine s’est construite au croisement des chemins : sur les routes où circulaient les épices, entre la Birmanie, la Chine et le Laos. Les influences sont anciennes, mais elles se sont amplifiées au XXᵉ siècle, lorsque des communautés entières du Yunnan, du Myanmar et du Laos se sont installées dans ces montagnes. Ces migrations, notamment celles qui ont suivi la guerre civile chinoise, ont profondément marqué l’identité culinaire du Nord et enrichi ses traditions.


C’est ainsi qu’a émergé une gastronomie singulière, à la fois enracinée dans son terroir et ouverte sur ses voisins. Et c’est pourquoi il serait réducteur de parler d’une seule cuisine du Nord : il faut parler des cuisines du Nord de la Thaïlande, tant elles reflètent une mosaïque d’histoires, de peuples et de savoir-faire.


Cuisine Shan (Thaï Yai), une gastronomie du Nord de la Thaïlande

Parmi les héritages les plus marquants figure la cuisine Shan, celle du peuple Thaï Yai, installé notamment dans la province de Mae Hong Son. Les Shan partagent beaucoup de traditions avec le Myanmar voisin, et cela se ressent dans leurs plats. Moins sucrée, peu portée sur le lait de coco, leur cuisine privilégie les saveurs salées et piquantes. Le riz gluant y est incontournable, servi à chaque repas.


Leurs spécialités reflètent un goût prononcé pour les légumes, les produits de montagne et les préparations simples mais intenses. On trouve les beignets Shan, appelés krabong, réalisés avec de la citrouille râpée et une pâte de curry, que l’on frit jusqu’à obtenir un croustillant irrésistible. Le curry Hang Lay, porc mijoté aux épices, au gingembre et au tamarin, est sans doute l’un des plats les plus emblématiques : originaire du Myanmar, il est devenu un symbole de la gastronomie du Nord. Les Shan excellent aussi dans les salades pilées : aubergines grillées réduites en purée, jacquier épicé, légumes sauvages assaisonnés d’ail, de piment et d’herbes fraîches.


Et puis il y a le thé. Non seulement on le boit, mais on le mange. C’est un héritage birman que les Shan ont intégré à leur propre cuisine. Les feuilles de thé fermentées donnent naissance à une salade appelée lahpet thoke en Birmanie : un mélange de thé, de cacahuètes grillées, d’ail frit, de tomates et de piments. Dans le Nord thaïlandais, on préfère parfois les feuilles fraîches, que l’on pile ou que l’on frit en tempura. Cette manière de consommer le thé, insolite pour les Occidentaux, est ici une évidence et un marqueur identitaire.


Ban Rak Thai et Mae Salong : villages chinois en Thaïlande

Pour comprendre cette culture du thé, il faut aller dans les villages. Le plus connu est sans doute Ban Rak Thai, situé près de Mae Hong Son. Fondé par des réfugiés chinois du Yunnan, c’est un village chinois… en Thaïlande. Ceux qui rêvent de découvrir la Chine sans sortir des frontières thaïlandaises y trouvent une atmosphère unique : maisons en terre cuite, plantations de thé à perte de vue, restaurants où l’on sert des plats chinois du Yunnan aux côtés de salades Shan. Ici, tout tourne autour du thé : on en boit, on en achète, mais surtout, on le mange. La fameuse salade de thé y est omniprésente.


Un peu plus au nord, du côté de Chiang Rai, Mae Salong (aujourd’hui appelée Santikhiri) offre une expérience semblable. Là encore, un village chinois en Thaïlande, créé dans les années 1950 par d’anciens soldats du Kuomintang venus du Yunnan. Les collines autour de Mae Salong sont couvertes de plantations de thé et de café. On peut y faire une excursion à la demi-journée, déguster différents thés verts et oolongs, visiter les marchés chinois et profiter d’un panorama exceptionnel sur les montagnes.


Non loin de là, la plantation Choui Fong est devenue une véritable attraction touristique. On peut y déguster gratuitement différents thés, mais surtout, on peut déjeuner au restaurant, qui décline le thé dans toutes ses formes : tempura de feuilles fraîches, desserts au thé vert, boissons glacées. C’est une expérience à ne pas manquer pour comprendre à quel point le thé structure l’identité gastronomique du Nord.


Aujourd’hui, le café s’impose aussi. Cultivé dans les montagnes de Chiang Mai et de Chiang Rai, il est devenu un produit d’exportation et de consommation locale très prisé. Les cafés spécialisés fleurissent littéralement à chaque coin de rue. Comme le thé, le café est le fruit d’une reconversion agricole, encouragée notamment par les projets royaux.


Chiang Mai, capitale gastronomique du Nord

Parler de la gastronomie du Nord sans passer par Chiang Mai serait impossible. C’est la plus grande agglomération du Nord, un centre culturel majeur et une mine d'or pour les gastronomes.


La cuisine y est multiple, entre plats emblématiques et découvertes de rue. Le Khao Soi reste le roi incontesté : une soupe de nouilles au curry enrichie de lait de coco, garnie de viande (poulet, bœuf) et surmontée de nouilles frites croustillantes. D’où qu’on le commande, chaque cuisinier revendique sa version : plus ou moins épicée, plus ou moins riche, ou une version « sèche ». C’est le plat que tout visiteur doit goûter.


La saucisse Sai Oua figure parmi les classiques. Elle mêle porc haché, citronnelle, kaffir, piments et autres herbes, grillée au charbon pour libérer ses arômes. C’est souvent dans les marchés que l’on trouve les meilleures : chaude, fraîche, souvent vendue en tranches qu’on déguste sur le pouce.


Les nam prik occupent une place centrale. Dans le Nord, on les sert souvent avec de la couenne de porc frite, une tradition qui ajoute du croustillant et de la richesse aux plats. Le Nam Prik Noom, préparé à base de piments verts grillés, offre une saveur légèrement fumée ; le Nam Prik Ong, lui, mêle tomate et porc haché. Ces sauces piquantes s’accommodent avec légumes, riz gluant ou même la fameuse couenne frite.


Le Larb du Nord est une autre pièce maîtresse. Contrairement au Larb de l’Isan, celui du Nord use d’un mélange d’épices sèches : le goût est plus parfumé, moins humide, avec des touches de coriandre et de cumin.


Enfin, la soupe Nam Ngiao (ou Nam Ngeow) est un plat de nouilles très apprécié dans la région de Chiang Mai et au-delà. Elle rassemble des nouilles fraîches appelées khanom chi, des tomates, du porc, ainsi qu'une sorte de boudin frais et souvent des fermentations de soja (thua nao) pour donner de la profondeur. Elle est souvent servie avec des éléments croquants comme des germes de harocoits mungo.


À Chiang Mai, il est crucial de ne pas rester confiné dans le « carré touristique ». Certes, les restaurants situés dans la vieille ville ou autour des temples offrent des expériences charmantes, mais ils ne représentent qu’une facette. Pour goûter la vraie cuisine du Nord, il faut sortir de ce périmètre. Les marchés de quartier, les échoppes de rues, les stands de grillades sont souvent les meilleurs repères. C’est dans les marchés de journée et dans une certaine mesure des marchés du soir que l’on trouve les saucisses grillées, les plats fumants servies sur de petites tables de rue, des recettes anciennes préservées de la standardisation.


Et, fait surprenant pour certains Occidentaux, les food courts des centres commerciaux méritent aussi attention. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce ne sont pas de simples espaces alimentaires impersonnels : on y découvre des petits stands spécialisés, chacun focalisé sur un plat ou ingrédient, parfois tenu par des spécialistes locaux. On peut y dénicher des versions très locales de certains plats réputés ou découvrir des plats très peu connus en hors des frontières de Thaïlande, voire même au sein de la Thaïlande, en dehors de la région du Nord.


Les currys du Nord de la Thaïlande : cuisine de jungle et traditions rustiques

La cuisine du Nord est profondément liée à son environnement. Dans les forêts, où la noix de coco n’était pas disponible, on a appris à cuisiner sans lait de coco. C’est le cas du fameux Kaeng Pa, ou curry de la jungle. Autrefois, il était préparé avec du gibier ; aujourd’hui, on peut le trouver avec du porc, du poulet ou même de la grenouille. Toujours sans lait de coco, il garde un caractère rustique et sauvage, très éloigné des currys riches et doux du Sud.


Mais la richesse du Nord va bien au-delà. Les currys rustiques se déclinent en une variété impressionnante : curry de pousses de bambou, curry de fleurs de bananier, curry de jacquier… tous mettent en valeur des produits forestiers ou agricoles locaux.


Les tribus montagnardes perpétuent encore un mode de cuisson unique : dans la forêt, un repas complet peut être préparé avec des bambous fraîchement coupés, qui servent à la fois de casserole et d’ustensiles. Riz gluant cuit à la vapeur dans une tige de bambou, porc fumé au feu de bois, salades d’aubergines pilées, une cuisine à la fois inventive, rustique et profondément liée à son terroir.


Les projets royaux : Doi Inthanon et Doi Tung

La gastronomie du Nord est aussi liée à une histoire récente : celle des projets royaux. Ceux-ci sont nombreux mais citons deux projets emblématiques particulièrement appréciés des Thaïlandais et très intéressants pour les voyageurs.


Au sommet du pays, à Doi Inthanon, la plus haute montagne de Thaïlande (2 565 m), le roi Bhumibol Adulyadej (Rama IX) a lancé un projet destiné à offrir des cultures alternatives aux habitants des montagnes. L’objectif était de préserver les forêts tout en proposant des revenus stables. On y cultive aujourd’hui des fleurs de climat tempéré, mais aussi des légumes rares, des fruits comme la fraise ou l’avocat. Un restaurant situé en plein cœur du projet permet aux visiteurs de déguster directement ces produits à plus de 2 000 m d’altitude : une expérience unique.


À Doi Tung, c’est la princesse Srinagarindra, mère du roi Bhumibol, qui a initié un projet similaire, cette fois pour remplacer la culture du pavot à opium. Les habitants y ont appris à cultiver le thé, le café, la noix de macadamia et les fleurs. Aujourd’hui, Doi Tung est un modèle de développement durable, et une étape incontournable pour les voyageurs.


Diversité ethnique et influences

Le Nord de la Thaïlande est un carrefour, et cela se voit dans l’assiette. Les Akha cuisinent avec des herbes et légumes sauvages, les Hmong excellent dans la fermentation, les Lahu dans la chasse et les produits forestiers. Les Chinois, installés à Mae Salong et Ban Rak Thai, ont apporté leurs nouilles, leur thé et leurs techniques de fermentation. Les communautés musulmanes ont introduit leurs propres épices et plats mijotés.


Cette diversité est renforcée par la position géographique : à quelques heures du Laos, du Myanmar, et à seulement 250 km de la Chine, le Nord est un carrefour historique. Les anciennes routes des épices, venues d’Inde, traversaient la Birmanie et les forêts du Nord, malgré les tigres et les dangers, pour rejoindre la Chine. Ce rôle de passage a laissé une empreinte profonde sur les saveurs.


Une gastronomie à découvrir pas à pas

Le Nord de la Thaïlande n’est pas seulement une région touristique, c’est un monde culinaire à part. Du thé que l’on mange aux currys préparés avec bouillon et herbes de montagne, des projets royaux aux spécialités de Chiang Mai, des villages chinois aux traditions Shan, la richesse gastronomique du Nord reste encore largement méconnue.


Pour prolonger cette découverte, nous avons publié un livre de recettes consacré à la cuisine du Nord. Il rassemble les plats emblématiques de la région, expliqués pas à pas, pour permettre à chacun de les recréer chez soi avec authenticité.


Nous avons également conçu un guide de voyage gratuit, pensé pour les gastronomes. Ce guide retrace notre propre périple d’un mois à travers le Nord. Il combine les étapes que tout voyageur souhaite voir, mais aussi celles que les Thaïlandais privilégient dans leur quotidien. L’idée est de découvrir la région autrement, en partageant les expériences locales plutôt que de suivre les circuits classiques des tours opérateurs.


Le guide peut s’utiliser de plusieurs manières. Pour ceux qui veulent une immersion complète, il propose un itinéraire détaillé sur un mois. Pour ceux qui ont moins de temps, il offre aussi de nombreuses suggestions de sorties à la journée. Et surtout, à chaque étape, nous indiquons des restaurants précis et les plats à y goûter, afin que chacun puisse se régaler en toute confiance. Dans certaines zones reculées où l’anglais est peu parlé, ces indications permettent d’éviter les hésitations et de profiter pleinement de la cuisine locale.


La gastronomie du Nord de la Thaïlande est rare et exceptionnelle. Peut-être pas unique au monde… quoique ! Pour nous, qui ne sommes pas du tout chauvins, pas du tout orientés, elle l’est absolument. Et nous sommes convaincus que si vous l’explorez avec notre livre de recettes et notre guide, vous ne direz pas le contraire.


Prolonger l’expérience

La gastronomie du Nord de la Thaïlande ne se découvre pas seulement en voyage, elle s’apprend aussi en cuisine. Dans notre programme de 12 mois (Visa DTV), un mois entier est consacré à la cuisine du Nord, avec ses currys rustiques, ses salades de thé et ses spécialités de Chiang Mai.


Pour ceux qui préfèrent des formats plus courts, nous proposons également des stages intensifs ou des cours à la demi-journée. Notre catalogue compte 50 recettes du Nord, permettant à chacun de recréer chez soi les plats découverts lors d’un séjour ou simplement d’explorer cette tradition culinaire unique.


C’est une manière de prolonger le voyage, de ramener un peu de ces montagnes et de ces saveurs à sa propre table.



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