Cuisine du Sud de la Thaïlande : entre mers, épices et influences croisées
- InFusion

- 12 oct.
- 6 min de lecture

Saveurs du Sud : entre mers, épices et influences croisées
Depuis plusieurs semaines, nous parcourons la Thaïlande à travers ses cuisines régionales. Après les articles consacrés au Nord, montagneux et aromatique, puis le Nord-Est, au goût franc et acidulé, et enfin la Plaine Centrale, foyer de la cuisine royale, nous mettons aujourd’hui le cap vers le Sud. Cette région, encore méconnue du grand public, révèle une gastronomie puissante et contrastée, façonnée par la mer, les moussons et les échanges culturels.
Le Sud de la Thaïlande est un territoire d’abondance. Bercée par deux mers, la région puise son identité dans les produits de la pêche et dans un usage généreux des épices et des condiments fermentés. Grâce à sa situation géographique et son climat favorables, c’est une terre où la nature ne connaît pas de repos et où les marchés regorgent, toute l’année, de poissons, de crevettes, d’herbes et de fruits tropicaux.
Mais la richesse du Sud ne se limite pas à sa géographie. Elle tient aussi à son histoire. Les provinces méridionales ont accueilli, au fil des siècles, des influences multiples. À l’ouest, la mer d’Andaman a vu arriver les commerçants chinois et indiens, dont les héritages culinaires se retrouvent encore aujourd’hui dans les recettes peranakan de Phuket. À l’est et jusqu’à la frontière malaise, la cuisine musulmane a façonné un registre où se mêlent riz parfumés, currys au lait de coco et sauces de poisson fermenté, témoignant de l’héritage du sultanat de Pattani.
Dans cet article, nous explorerons comment la géographie, le climat et les routes commerciales ont façonné cette cuisine aux saveurs franches. Nous verrons comment les plats emblématiques du Sud, du gaeng som, curry aigre et piquant, au kua kling, sauté sec au curcuma, traduisent la vigueur et la diversité de cette région. Enfin, nous mettrons en lumière les ingrédients phares du Sud, tels que le curcuma frais, le petai et le nam budu, qui confèrent à cette cuisine sa personnalité unique et inimitable.
Entre deux mers, un terroir façonné par le climat
Le Sud est bordé par la mer d’Andaman à l’ouest et par le Golfe de Thaïlande à l’est. Cette double ouverture sur la mer explique l’abondance des poissons et fruits de mer dans l’alimentation quotidienne. On y pêche notamment le maquereau, le vivaneau, le thazard et d’innombrables petits poissons côtiers.
Cette richesse se traduit dans des plats populaires comme le thazard frit à la sauce poisson (Pla insi tod nam pla), simple et typique des tables du Sud, ou le poisson des sables à l’ail et au curcuma, dont la marinade dorée évoque le soleil de la péninsule.
Les habitants ont appris à composer avec les caprices de la mousson : lorsque la mer devient trop dangereuse, on se tourne vers les produits séchés et fermentés. C’est ainsi qu’est née la pâte de crevettes (kapi), essentielle à d’innombrables recettes, et la sauce budu, plus présente encore dans les provinces frontalières avec la Malaisie.
Héritages du sultanat, de la Chine et des mers
Le sultanat de Pattani et la cuisine musulmane
Le sultanat de Pattani, autrefois indépendant, a laissé un héritage culinaire puissant. On y retrouve des plats de riz parfumés, comme le biryani de bœuf (khao mok nueua), où la cannelle, le curcuma et la cardamome se mêlent à la douceur du lait concentré et du yaourt.
Dans les marchés du Sud, le khao yam nam budu (salade de riz aux herbes et sauce budu) symbolise parfaitement cette identité : riz coloré, herbes fraîches, zestes de combava, noix de coco rôtie et sauce de poisson fermentée. Cette salade illustre la recherche d’équilibre entre acidité, sel et fraîcheur végétale, qui caractérise la région.
D’autres plats rappellent le lien avec la cuisine malaise, comme le curry massaman au bœuf, doux et parfumé, où la cardamome et la cannelle côtoient le lait de coco et la pâte de crevettes.
Phuket et la mémoire peranakan
Phuket, de son côté, est le cœur de la culture baba-nyonya, fruit du métissage entre migrants chinois hokkiens et populations locales. Les plats les plus connus de cette tradition sont la poitrine de porc mijotée à la façon de Phuket (moo hong) et les nouilles sautées à la façon de Phuket (pad mi hokkien). Le premier, mijoté longuement à la sauce soja, évoque les braisages chinois ; le second, sauté au wok avec fruits de mer et sauce soja noire, résume à lui seul le mariage entre techniques chinoises et produits locaux.
Les salades de Phuket se distinguent aussi par leur fraîcheur, comme la salade d’ananas à la façon de Phuket, où le fruit sucré s’équilibre par l’acidité du tamarin et le piquant de la pâte de piment.
Saveurs dominantes et identité gustative
La cuisine du Sud se reconnaît à ses saveurs franches :
piquant marqué, avec l’usage abondant des piments oiseaux,
salé dominant, issu de la sauce poisson, du kapi et du budu,
acidité affirmée, souvent apportée par le tamarin, le citron vert ou la mangue verte,
sucre discret, réservé à l’équilibre des sauces.
Le petai (sato), graine verte au goût fort, est l’un des légumes emblématiques du Sud. Sauté au kapi avec des crevettes dans le kung pad kapi sato, il illustre à merveille l’intensité aromatique et la complexité gustative de cette région.
Autre exemple typique : le kua kling nueua, sauté sec de bœuf au poivre vert et curcuma. Ce plat, emblématique du foyer familial, est l’une des préparations les plus représentatives du Sud : il ne contient pas de sauce, mais un concentré d’épices, d’arômes et de feu.
Les grands plats emblématiques de la cuisine du Sud de la Thaïlande
Les currys aigres et piments du Sud
Le curry aigre de thazard à l’ananas (gaeng som pla insi) illustre à lui seul le goût du Sud : un bouillon sans lait de coco, épicé, aigre, vibrant de piments rouges et de tamarin. C’est l’un des plats les plus identitaires de la région.
Encore plus intense, le curry aux entrailles de poisson (gaeng tai pla), préparé avec des entrailles fermentées et du maquereau grillé, est l’un des plats les plus puissants de toute la cuisine thaïlandaise.
Les fruits de mer sautés et les saveurs de l’océan
Les marchés côtiers du Sud regorgent de crustacés : crabe à carapace molle, calamars, tellines, coquilles Saint-Jacques. Le crabe à carapace molle sauté au curry, le calamar sucré à la citronnelle, ou encore les tellines sautées à la pâte de piment comptent parmi les plats les plus populaires des restaurants de plage. Ces recettes, simples mais techniques, reposent toutes sur la fraîcheur des produits et la maîtrise du wok.
Les soupes et bouillons du Sud
Le kai tom kamin, soupe de poulet au curcuma, est une préparation rustique et revigorante, typique des zones rurales. Plus au sud encore, on trouve des soupes à base de feuilles de tamarin, comme le poulpe aux feuilles de tamarin, ou des soupes de gambas aux feuilles de melinjo, une spécialité végétale emblématique du littoral d’Andaman.
Herbes, aromates et condiments du Sud
Le curcuma, signature du Sud
Dans le Sud, le curcuma frais est omniprésent : dans les currys jaunes, les sautés, les soupes et même dans les marinades de poisson. Il colore, parfume et protège. Les currys jaunes de poisson au bétel sauvage ou au basilic en arbre en sont des exemples parfaits, où la couleur dorée s’accompagne d’un parfum vif et citronné.
Le nam budu et le kapi
Le nam budu, sauce de poisson fermentée plusieurs mois, est typique des provinces de Pattani et Narathiwat. Il entre dans la préparation du khao yam nam budu, emblème du Sud musulman. Quant au kapi, il relie mer et terre, unissant crevettes séchées et aromates dans les currys, les sautés ou même les salades.
Du Sud à la mer d’Andaman : prolonger la découverte culinaire
La cuisine du Sud de la Thaïlande se distingue par sa force aromatique et son ancrage maritime. Entre les currys au curcuma, les plats sautés au petai et les salades au nam budu, elle exprime une intensité qui reflète à la fois le climat, la mer et les traditions métissées de la région.
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Notre voyage à travers les cuisines régionales de la Thaïlande ne s’arrête pas ici. La prochaine étape nous conduira à la découverte des cuisines ethniques, à la croisée des peuples montagnards, chinois et musulmans. Nous y verrons comment ces traditions venues d’ailleurs ont enrichi la gastronomie thaïlandaise contemporaine, et comment elles continuent de la transformer, des villages du Nord aux marchés du Sud.



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