La cuisine sino-thaï : héritage chinois et tradition du wok
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Entre cuisines régionales et cuisines ethniques
Cet article est le 6ème volet d'une série consacré à la diversité des cuisines de Thaïlande. En effet, le pays présente une mosaïque culinaire remarquable, avec des cuisines régionales fortement différenciées : cuisine du Nord, influencée par le climat montagnard ; cuisine du Nord-Est (Isan), marquée par le riz gluant et le piment ; cuisine de la Plaine Centrale, cœur historique de la cuisine royale ; et cuisine du Sud, ouverte sur la mer et les épices.
À ces traditions régionales s’ajoutent des cuisines ethniques, transversales à l’échelle du pays. Parmi elles, la cuisine sino-thaï occupe une place singulière. Issue des migrations chinoises successives, elle s’est enracinée dans le tissu économique, social et culinaire du royaume. Elle est aujourd’hui fort présente : des montagnes du Nord à la très multiculturelle Bangkok, jusqu’aux provinces côtières du Sud.
Des migrations récentes mais décisives
Les migrations chinoises vers la Thaïlande sont relativement récentes à l’échelle historique. Si des contacts commerciaux existaient déjà depuis l’époque d’Ayutthaya, c’est à partir du XIXᵉ et du début du XXᵉ siècle que les vagues migratoires s’intensifient, principalement en provenance du Yunnan et du Sud de la Chine. Ces communautés, souvent commerçantes ou artisanales, s’installent dans les grandes villes et sur les routes commerciales du royaume.
Dans le Nord de la Thaïlande, la présence chinoise est particulièrement visible à Ban Rak Thai (province de Mae Hong Son) et à Santikhiri – Mae Salong (province de Chiang Rai). Ban Rak Thai est un ancien village yunnanese, situé près de la frontière birmane, connu pour son thé noir et ses plats de montagne. Mae Salong, quant à elle, fut fondée par les soldats de la 93ᵉ division du Kuomintang venus du Yunnan après la guerre civile chinoise, dans les années 1950. Leur installation a profondément marqué la région, notamment par la culture du thé oolong, mais aussi par la gastronomie : soupes yunnanaises, viandes braisées, nouilles et petits pains vapeur s’y trouvent encore aujourd’hui.
Bangkok : le cœur urbain de la diaspora
À Bangkok, la communauté chinoise s’est regroupée autour de Yaowarat, le Chinatown historique de la capitale. Ce quartier, créé à la fin du XVIIIᵉ siècle sous le règne de Rama I, fut d’abord une zone de relogement pour les commerçants chinois déplacés lors de la fondation de la nouvelle capitale. Au fil des décennies, Yaowarat est devenu un centre commercial majeur, dominé par les marchands Teochew, Hokkien et Cantonais.
Aujourd’hui, la rue Yaowarat reste un symbole vivant de la culture sino-thaï. Ses échoppes de nouilles, de dim sum et de viandes rôties (canard laqué, porc croustillant) coexistent avec des temples chinois et des pharmacies traditionnelles. La cuisine qui y est servie est autant chinoise que thaïe, une hybridation patiente où le wok, la sauce soja et les bouillons clairs remplacent le piment et la pâte de curry.
Le Sud : dim sum et influences hokkien
Dans le Sud de la Thaïlande, l’influence chinoise se manifeste différemment. Les provinces de Phuket, Trang et Songkhla comptent d’importantes communautés hokkien. Ces régions, anciennes zones portuaires commerçant avec la Malaisie et Singapour, sont marquées par une culture culinaire matinale : les dim sum.
À Phuket, les habitants prennent souvent leur petit-déjeuner dans des salons de thé proposant des paniers vapeur de raviolis, brioches et bouchées aux fruits de mer. Cette tradition est issue du festival végétarien de Phuket, rituel d’origine taoïste importé par les communautés hokkien. Ce festival illustre parfaitement la fusion culturelle : des plats chinois revisités avec des produits locaux thaïlandais, dans un cadre spirituel où l’alimentation devient acte de purification.
Pour en savoir plus sur le festival végétarien, consultez notre article consacré à la cuisine végétarienne et végane en Thaïlande.
Les marqueurs de la cuisine sino-thaï
La cuisine sino-thaï se distingue par son équilibre entre douceur, salinité et profondeur aromatique, sans recours systématique au piment. Quelques caractéristiques constantes :
utilisation du wok pour les sautés rapides ;
présence de sautés et de plats mijotés, souvent à base de porc ou de poulet ;
usage de la sauce soja noire, de l’huile de sésame et du gingembre frais ;
incorporation d’épices utilisées en cuisine chinoise mais rares en cuisine thaïlandaise (cannelle, anis étoilé, clou de girofle) ;
recours à des champignons séchés, au tofu, aux nouilles de riz et aux bouillons clairs.
Ces éléments contrastent nettement avec la cuisine thaïlandaise classique, qui met l’accent sur le piment, le citron vert, la citronnelle et la pâte de crevettes.
Quelques plats emblématiques
Certaines recettes sino-thaïes sont devenues incontournables dans la gastronomie nationale :
Pad see ew, nouilles de riz sautées à la sauce soja
Ces plats témoignent d’une double identité : chinoise par leurs techniques et thaïe par leurs ingrédients. Ils sont simples, équilibrés et conviennent à tous les palais.
Apprendre et déguster la cuisine sino-thaï à Koh Samui
À InFusion Cooking Classes Koh Samui, nous enseignons nombre de ces recettes dans le cadre de nos programmes : cours privés de 3 heures et de 5 heures, formations professionnelles de plusieurs jours, programme culinaire de 12 mois, éligible au Visa DTV (Destination Thailand Visa).
Mais à Koh Samui, la cuisine sino-thaï ne s’apprend pas seulement, elle se découvre aussi à table. Pour ceux qui souhaitent la déguster dans son contexte local, direction le Bangkok Porridge de Nathon. Ce petit restaurant, ouvert le matin, sert un véritable petit-déjeuner thaïlandais d’inspiration chinoise : des dim sum variés aux fruits de mer, les fameuses soupes de riz (porridge), et les patong ko, ces beignets frits d’origine chinoise devenus incontournables en Thaïlande.
Vers la cuisine musulmane du Sud
Cet article clôt le premier volet consacré aux cuisines ethniques de Thaïlande. Le prochain portera sur un autre univers culinaire : la cuisine musulmane du Sud, héritière du sultanat de Pattani et caractérisée par l’usage du curcuma, de la cardamome, du lait de coco et des longues cuissons.
Deux cuisines différentes, deux héritages étrangers intégrés à la culture thaïlandaise, et une même réalité : la Thaïlande est un creuset où les migrations ont contribué à façonner une culture culinaire à la diversité renversante.



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